PAPEETE, le 27 mai 2019. Dans son rapport sur la politique du logement social de 2013 à 2018 que nous nous sommes procuré, la chambre territoriale des comptes regrette l’absence de « vision d'ensemble » du Pays en matière de logement social, Les experts de la CTC demandent donc au Pays de se doter d’outils pour connaître les besoins de la population et de « s’inscrire dans un temps long ».
La chambre territoriale des comptes (CTC) a examiné à la loupe la politique du logement social de 2013 à 2018, période où Oscar Temaru, Gaston Flosse et Edouard Fritch ont été présidents. La CTC avait déjà examiné la politique du logement social du Pays entre 2004 et 2011. Elle avait qualifié les résultats de cette politique de « très médiocres" alors que les moyens financiers et fonciers consacrés avaient été "importants mais peu adaptés au logement social".
Sept ans après, la CTC constate que le Pays n’a pas de « vision d'ensemble » et pour cause, il ne possède pas "d'outils d'observation adéquats permettant l'analyse des besoins de la population". Elle met en cause aussi "le caractère rudimentaire des pratiques de travail interministérielles et interservices" alors que le logement social fait intervenir justement plusieurs ministères. Le Pays n'a ainsi "pas été en mesure de communiquer à la chambre les données budgétaires consolidées correspondant à la politique du logement social prise dans sa globalité".
Des « actions conduites au coup par coup »
Pourtant, les gouvernements réaffirment régulièrement que le logement social est une priorité. Pour une politique de logement sociale efficace, la CTC rappelle que « le Pays dans son rôle de régulateur, se doit de formaliser une vision d'ensemble afin de structurer sa politique du logement social et dans le même temps, organiser le rôle des opérateurs. Dans le contexte actuel, les opérateurs, et au premier titre, l’OPH, agissent sans feuille de route stratégique, laissant la place aux actions conduites au coup par coup ». « Le Pays doit s’inscrire dans un temps long », insiste la CTC.
Les besoins en matière de logement social sont aujourd'hui évalués à partir de l'analyse des dossiers de demande enregistrés par l’OPH, "ce qui correspond seulement à une partie des besoins réels, sans qu'il soit possible de mesurer l'écart entre les deux : bon nombre de familles ne peuvent pas ou en veulent plus effecteur les démarches administratives". La dernière enquête spécialement dédiée au logement social date de 1995.
Cette absence de stratégie claire se répercute en premier lieu sur les Polynésiens ayant fait une demande de logements sociaux. « Faute de vision d’ensemble, notamment construite avec les communes, la gestion du foncier par le Pays dans le domaine du logement social se limite à formuler, par l’intermédiaire de l’OPH, une réponse favorable ou pas, aux propositions ponctuelles de vendeurs de parcelles », décrit la CTC. « En l’absence de stratégie foncière, combinée à un contexte aigu de rareté, l'OPH a indiqué ne pas avoir les moyens de choisir la localisation des projets de constructions sociales neuves. L’implantation des logements sociaux se fait donc au coup par coup. Beaucoup de chemin reste ainsi à parcourir avant de pouvoir observer la mise en place d'une politique durable en matière de logement social, permettant d'offrir aux familles un habitat digne situé non loin des commerces et des services. »
Fare OPH : « Une logique de guichets »
En 2015, une convention a été signée entre l‘OPH et le Pays. L’OPH s’engageait à mettre en œuvre des réformes internes visant à améliorer sa performance en contrepartie du versement de subventions. Le préambule de la convention indiquait aussi que l’OPH devait « se mettre sur la voie de l’autonomie financière ». Cette convention est finalement tombée dans l’oubli et n’a fait l’objet d’aucun suivi annuel de la part du ministère qui n’a donc pas suivi les réformes que devait conduire l’OPH. De. Pour la CTC, il s’agit d’un « défaut majeur de suivi et de pilotage de la part du Pays ».
Les experts dénoncent aussi « la logique de guichets » liée au fonctionnement de « l’attribution des fare OPH et des aides à l’amélioration de l’habitat insalubre » (lire encadré).
La chambre territoriale des comptes (CTC) a examiné à la loupe la politique du logement social de 2013 à 2018, période où Oscar Temaru, Gaston Flosse et Edouard Fritch ont été présidents. La CTC avait déjà examiné la politique du logement social du Pays entre 2004 et 2011. Elle avait qualifié les résultats de cette politique de « très médiocres" alors que les moyens financiers et fonciers consacrés avaient été "importants mais peu adaptés au logement social".
Sept ans après, la CTC constate que le Pays n’a pas de « vision d'ensemble » et pour cause, il ne possède pas "d'outils d'observation adéquats permettant l'analyse des besoins de la population". Elle met en cause aussi "le caractère rudimentaire des pratiques de travail interministérielles et interservices" alors que le logement social fait intervenir justement plusieurs ministères. Le Pays n'a ainsi "pas été en mesure de communiquer à la chambre les données budgétaires consolidées correspondant à la politique du logement social prise dans sa globalité".
Des « actions conduites au coup par coup »
Pourtant, les gouvernements réaffirment régulièrement que le logement social est une priorité. Pour une politique de logement sociale efficace, la CTC rappelle que « le Pays dans son rôle de régulateur, se doit de formaliser une vision d'ensemble afin de structurer sa politique du logement social et dans le même temps, organiser le rôle des opérateurs. Dans le contexte actuel, les opérateurs, et au premier titre, l’OPH, agissent sans feuille de route stratégique, laissant la place aux actions conduites au coup par coup ». « Le Pays doit s’inscrire dans un temps long », insiste la CTC.
Les besoins en matière de logement social sont aujourd'hui évalués à partir de l'analyse des dossiers de demande enregistrés par l’OPH, "ce qui correspond seulement à une partie des besoins réels, sans qu'il soit possible de mesurer l'écart entre les deux : bon nombre de familles ne peuvent pas ou en veulent plus effecteur les démarches administratives". La dernière enquête spécialement dédiée au logement social date de 1995.
Cette absence de stratégie claire se répercute en premier lieu sur les Polynésiens ayant fait une demande de logements sociaux. « Faute de vision d’ensemble, notamment construite avec les communes, la gestion du foncier par le Pays dans le domaine du logement social se limite à formuler, par l’intermédiaire de l’OPH, une réponse favorable ou pas, aux propositions ponctuelles de vendeurs de parcelles », décrit la CTC. « En l’absence de stratégie foncière, combinée à un contexte aigu de rareté, l'OPH a indiqué ne pas avoir les moyens de choisir la localisation des projets de constructions sociales neuves. L’implantation des logements sociaux se fait donc au coup par coup. Beaucoup de chemin reste ainsi à parcourir avant de pouvoir observer la mise en place d'une politique durable en matière de logement social, permettant d'offrir aux familles un habitat digne situé non loin des commerces et des services. »
Fare OPH : « Une logique de guichets »
En 2015, une convention a été signée entre l‘OPH et le Pays. L’OPH s’engageait à mettre en œuvre des réformes internes visant à améliorer sa performance en contrepartie du versement de subventions. Le préambule de la convention indiquait aussi que l’OPH devait « se mettre sur la voie de l’autonomie financière ». Cette convention est finalement tombée dans l’oubli et n’a fait l’objet d’aucun suivi annuel de la part du ministère qui n’a donc pas suivi les réformes que devait conduire l’OPH. De. Pour la CTC, il s’agit d’un « défaut majeur de suivi et de pilotage de la part du Pays ».
Les experts dénoncent aussi « la logique de guichets » liée au fonctionnement de « l’attribution des fare OPH et des aides à l’amélioration de l’habitat insalubre » (lire encadré).
«Une maison de l’habitat » annoncée en 2015, puis un « point info logement » en 2017...
Au cours des assises de l’habitat en novembre 2015, le Pays a affirmé son intention de créer dès 2016 un guichet unique « que les Polynésiens attendent depuis au bas mot 30 ans », pour faciliter les démarches d'accès au logement social. Cette maison de l'habitat n’a pas vu le jour, ni en 2015, ni en 2016, avant d'être abandonnée en tant que telle. Depuis fin 2017, un nouveau projet a été annoncé, pour prendre la forme d'un point d’information « point info logement ». « Fin 2018, cette ambition affichée n'a pas encore connu de développements », relève la CTC dans son rapport.
Habitat insalubre : « aucun relogement définitif n'a pu être mené depuis 2012 »
Les opérations de résorption de l’habitat insalubre sont confiées à l’OPH. Deux obstacles majeurs rendent difficiles les réhabilitations. Le premier est le manque chronique de logements de transit, afin de reloger provisoirement les familles concernées durant toute la phase de construction des logements sociaux. « La Chambre estime que tant que l’OPH, ou un autre opérateur, ne parviendra pas à construire des logements de transit en nombre suffisant, la RHI ne progressera pas », souligne le rapport. Le second est « la difficulté pour les partenaires institutionnels de s’accorder sur la destination finale des zones RHI actuelles : la construction de logements sociaux peut, en effet, être en concurrence avec d’autres projets d’aménagement de type hôtel, parc de loisirs, activités commerciales. Dans ce contexte, les programmes de RHI ont des durées de réalisation trop longues ».
La CTC conclut : « le constat actuel en matière de RHI est accablant : aucun relogement définitif n'a pu être mené depuis 2012, année de la dernière livraison de logements dans le cadre des RHI en cours. Les premières livraisons sont attendues, au mieux, en 2020. »
La CTC conclut : « le constat actuel en matière de RHI est accablant : aucun relogement définitif n'a pu être mené depuis 2012, année de la dernière livraison de logements dans le cadre des RHI en cours. Les premières livraisons sont attendues, au mieux, en 2020. »
La CTC doute de l’efficacité de l’aide à l’amélioration de l’habitat individuel
À l'Office polynésien de l'habitat (OPH), un dispositif est mis en place depuis 1999 afin d'accompagner les familles les plus nécessiteuses. Il s'agit des bons en matériaux, aussi appelés bons d'Aide à l'amélioration de l'habitat individuel (AAHI). « Entre 2 0 13 et 2017, 7 054 dossiers ont été retenus pour une dépense cumulée à hauteur de 1.65 milliard de Fcfp », a compté la CTC. Une somme importante en échange de peu de vérifications. « Aucune exigence particulière n'est liée à l’origine du logement, ni aucun lien n’est effectué avec la réglementation en vigueur en matière d’urbanisme et de normes de construction », énumère la CTC. « Le Pays, comme l’OPH, n’est pas en mesure de justifier des garanties fondamentales comme, le fait que la construction ait reçu, par le passé, un permis de construire et un certificat de conformité, et que l’amélioration envisagée ait fait l’objet d’une demande de travaux auprès du service de l’urbanisme, ou encore du service d’hygiène et de salubrité publique. »Les experts de la chambre font donc un constat dur : « Il n’est donc pas certain que cette aide distribuée, sans les contrôles de sécurité et de salubrité qui s’imposent pourtant, permette une réelle amélioration de l’habitat individuel. Au pire, cette mesure ne vient pas diminuer le mal logement, ni l’habitat dangereux en Polynésie française. »
Le Conseil économique, social et culturel avait d’ailleurs émis des réserves sur les aides en matériaux attribués à des sinistrés alors que les logements bénéficiaires se trouvent dans des espaces dangereux, dits zone rouge « En outre, l'absence de contrôles des aides par le Pays et par l’OPH, après leur distribution, peut ouvrir la voie également à toutes sortes de pratiques frauduleuses, comme la revente, par certains bénéficiaires, de tout ou partie des matériaux neufs reçus », ajoute la CTC.
Le Conseil économique, social et culturel avait d’ailleurs émis des réserves sur les aides en matériaux attribués à des sinistrés alors que les logements bénéficiaires se trouvent dans des espaces dangereux, dits zone rouge « En outre, l'absence de contrôles des aides par le Pays et par l’OPH, après leur distribution, peut ouvrir la voie également à toutes sortes de pratiques frauduleuses, comme la revente, par certains bénéficiaires, de tout ou partie des matériaux neufs reçus », ajoute la CTC.
Le plan « 3000 logements » « davantage tourné vers un objectif économique »
Jusqu’en 2017, le Pays, ainsi que l'OPH, utilisaient comme indicateur de production de logements la quantité livrée constatée chaque année. Avec l’annonce du plan « 3000 logements », la méthode a évolué. « La Chambre a établi que le Pays affiche désormais des objectifs annuels exprimés en nombre de logements mis en chantier, ce qu’il a confirmé », relève la CTC. « Cette modification de méthode, implicite, n'est pas anodine. En effet, la différence entre le nombre de logements mis en chantier et ceux livrés, correspond à la durée des travaux de construction des ouvrages à laquelle s'ajoute le délai pour obtenir le certificat de conformité, ainsi que celui de la tenue de la commission d’attribution. L’expérience montre que cet écart de temps est significatif, puisqu’il atteint en moyenne trois années. Combiné au report de son calendrier d’un an, le résultat mesuré par le plan 3000 logements bénéficie ainsi de l’équivalent de quatre années de production ; ce qui révèle la véritable nature du plan, délibérément et davantage tourné vers un objectif économique que vers la satisfaction du besoin social. »
Des stratégies qui changent souvent
La CTC constate dans un premier temps que "la décision de se doter d'un schéma directeur de logement n'est intervenue que tardivement". En 2015, le Pays a demandé à un cabinet d'écrire un rapport. Finalement en "2017, le Pays a décidé de changer de cap, en substituant au projet de schéma directeur du logement, un 'plan 3000 logements'." Ce plan a été conçu avec la nouvelle délégation à l'habitat et à la ville. "Quelques mois après, le Pays a décidé de lancer, à nouveau, un projet de schéma directeur, élargi cette fois, à l'habitat". Une étude, confiée à des consultants, est aujourd’hui programmée avec l'appui technique et financier de la Caisse des dépôts et consignations. Le document final est espéré par la collectivité d'ici fin 2019, pour couvrir, cette fois, la période, 2020-2030.
Cinq recommandations
1- Se doter en 2019 d'un outil d’observation du logement social.
2- Inscrire dans les outils de planification de l’espace de type SAGE et PADD, qui restent à bâtir, des objectifs explicites en matière de logement social.
3- 3- Assurer une évaluation périodique de la convention pluriannuelle n°6397/PR du 7 octobre 2 0 15, afin de mesurer le respect des engagements pris par l’OPH.
4- Instaurer un dialogue de gestion, annuel, véritable, et organisé, avec l’OPH. Recommandation n°5 : Formuler et suivre des indicateurs de performance partagés, conçus comme des outils d’aide à la décision, dès l’adoption du projet annuel de performance 2020
2- Inscrire dans les outils de planification de l’espace de type SAGE et PADD, qui restent à bâtir, des objectifs explicites en matière de logement social.
3- 3- Assurer une évaluation périodique de la convention pluriannuelle n°6397/PR du 7 octobre 2 0 15, afin de mesurer le respect des engagements pris par l’OPH.
4- Instaurer un dialogue de gestion, annuel, véritable, et organisé, avec l’OPH. Recommandation n°5 : Formuler et suivre des indicateurs de performance partagés, conçus comme des outils d’aide à la décision, dès l’adoption du projet annuel de performance 2020